Lobby pharmaceutique
Médecins sous perfusion
L'indépendance des médecins n'est pas pour tout de suite. Sous couvert d'un « Code de bonnes pratiques », le ministère de la Santé vient de conforter la place des laboratoires dans la formation médicale continue.
Le lobby du médicament a fait du bon boulot. Signé le 22 novembre avec le ministère de la Santé, le « Code de bonnes pratiques » censé organiser l'intervention des laboratoires dans la formation continue des médecins laisse délibérément l'essentiel de côté : le financement de cette formation. Les firmes, de longue date investies dans ce domaine, vont pouvoir continuer à subventionner massivement les organismes de formation, y compris agréés. Une carte blanche bienvenue dans un marché en pleine expansion : la formation continue s'impose peu à peu à chaque médecin, notamment pour valider les pratiques professionnelles. Et la contribution publique est très faible : dans un rapport daté d'avril dernier, l'Inspection générale des affaires sociales l'a estimée à 70 millions d'euros par an... contre 300 à 600 millions d'euros côté labos. Qui ne sont donc pas près de perdre leur emprise sur le corps médical.
Bien sûr, pour la forme, le « Code de bonnes pratiques » affiche une foule de louables intentions : le respect de l'indépendance scientifique des organismes de formation agréés, la transparence sur le financement des formations, l'évaluation des sessions par les participants. En outre, les formateurs sont priés de faire savoir s'ils sont ou non liés à un laboratoire. « Dans la mesure du possible, la multiplicité des financements doit être privilégiée pour une même action », ose même le texte. Légères, ces contraintes restent de principe : l'application du code sera appréciée tous les 2 ans par le ministère et... l'industrie pharmaceutique.
Pour André Perrin, président de MG-Form, organisme de formation proche du syndicat de médecins MG-France, la transparence, c'est déjà mieux que rien. Mais les rares structures totalement indépendantes, comme le Formindep et la Société française de thérapeutique du généraliste, n'y croient pas. Leurs responsables dénoncent un leurre et estiment que l'industrie pharmaceutique, légitimée dans son rôle de financeur, continuera à attendre un retour sur investissement sous forme de prescriptions de leurs produits. De fait, qui osera ruer dans les brancards, trouver à redire aux contenus des formations, alors que le fonctionnement des organismes dépendra toujours de « mécènes » aussi puissants ? La formation médicale reste, et pour un bon moment, sous influence.
Anne-Sophie Stamane
Que Choisir